La Première ministre a annoncé ce jeudi la création d’un fonds doté de trois millions d’euros contre l’homophobie et la nomination prochaine d’un ambassadeur aux droits LGBT+.
« La bataille des mentalités n’est pas gagnée, il y a encore des étapes à franchir », a déclaré Élisabeth Borne lors d’un déplacement dans un centre LGBT + d’Orléans jeudi matin. La Première ministre s’exprimait à l’occasion du quarantième anniversaire de l’abrogation des discriminations entre les relations hétérosexuelles et homosexuelles introduites dans le Code pénal par le régime de Vichy.
Après avoir rencontré plusieurs jeunes accueillis par le centre et échangé avec les acteurs du monde associatif LGBT, la Première ministre a annoncé la création d’un fonds de trois millions d’euros pour créer dix nouveaux centres LGBT +, en plus des 35 existants. Élisabeth Borne a d’ailleurs salué « le travail exemplaire des associations et des centres LGBT + », « points d’entrée identifiables et accessibles pour de nombreuses personnes qui ne savent pas vers qui se tourner » et qui, l’année dernière, « ont aidé près de 6 000 personnes partout dans notre pays ». « Nous voulons qu’il y ait deux centres au moins dans chaque région de l’Hexagone et un centre au moins dans chaque région d’Outre-mer », précise Élisabeth Borne.
La Première ministre a également annoncé la nomination « avant la fin de l’année » d’un ambassadeur aux droits LGBT + qui « portera la voix de la France et défendra notamment la dépénalisation universelle de l’homosexualité et de la transidentité ». Il « coordonnera l’action du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères pour la protection contre les discriminations et la promotion des droits LGBT + » a-t-elle ajouté. La nomination d’un tel ambassadeur intervient au moment où « les droits LGBT + ont été remis en cause dans le monde, notamment en Europe ces dernières années ».
À propos d’une proposition de loi portée par le sénateur Bourgi qui demande réparation pour les personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982, la Première ministre a dit qu’elle « l’entendait » et qu’elle allait la « regarder ». « Ça n’est pas un sujet simple de savoir comment on répare des blessures qui ont pu être apportées en raison de discrimination », a-t-elle fait observer, en considérant « important, déjà, d’acter que l’introduction de discrimination dans le droit avait été une faute, et de saluer et de commémorer l’abrogation de ces dispositions ».
Le régime de Vichy avait introduit une discrimination entre les relations hétérosexuelles - la majorité sexuelle étant alors fixée à 15 ans - et homosexuelles, pénalisées si l’un des partenaires était mineur (à l’époque, 21 ans). La discrimination était restée en vigueur lors de l’abaissement de la majorité à 18 ans en 1974, avant que la gauche ne l’abroge en 1982 et n’aligne la majorité sexuelle à 15 ans, quel que soit le sexe des partenaires.
Au cours de sa visite, Élisabeth Borne n’a pas échappé à une nouvelle interpellation au sujet de sa ministre Caroline Cayeux, qui avait employé l’expression « ces gens-là » au sujet des homosexuels lors d’une interview mi-juillet. « Entendre en 2022 des choses que j’entendais à Beauvais quand j’étais adolescent, c’est complètement incroyable », a lancé le secrétaire de l’association, Christophe Desportes-Guilloux, originaire de la ville dont Caroline Cayeux fut la maire, en déplorant que « ces paroles dites par des responsables nationaux remettent en cause le travail que l’on fait auprès des jeunes ».
La Première ministre a campé sur sa position : « très clairement, la ligne du président de la République, ma ligne, la ligne du gouvernement n’est pas ambiguë : on continuera à se battre » en faveur des droits des homosexuels, en reconnaissant « des propos malheureux » et en faisant valoir « les excuses » présentées par la ministre. « On n’attend pas des excuses, (mais) que les décisions qui vont être prises soient effectivement de lutte contre les discriminations », a expliqué, un peu plus tard, M. Desportes-Guilloux à la presse.
Dans un communiqué, l’association GayLib – ex-membre de l'UMP puis de LR et désormais associée au Parti radical, membre de la majorité présidentielle - s’est félicitée des annonces d’Élisabeth Borne, « tout en restant vigilante quant à leur effectivité y compris au sein du gouvernement » et en réclamant à nouveau la démission de Caroline Cayeux. L’inter-LGBT a, pour sa part, considéré auprès de l’AFP que les nouveaux fonds alloués allaient « dans le bon sens », de même que la nomination d’un ambassadeur, en réclamant « un corps diplomatique sensibilisé à ces questions ».