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Un Républicain de Guingamp

Site de Philippe LE ROUX, ancien Délégué de la quatrième circonscription des Cotes-d'Armor et Conseiller chargé des grands projets auprès de la Direction de l'UMP

Fiche de lecture "Maintenant", de Ségolène Royal

Publié le 15 Avril 2007 in Edito

  1. 1) Un abécédaire qui révèle l’absence de cohérence d’ensemble du projet.
  2. De Abandonner à Zen en passant par Anorexie, Bernadette Chirac, Citoyen-expert, Flexibilité, Jury citoyens, OGM, Proportionnelle, Roche de Solutré, le livre est un abécédaire de 189 items de tous niveaux, allant des questions personnelles (Radine, ou Dakar) aux grands enjeux du débat (Education nationale, Retraites), en passant par les souvenirs et le "name-dropping" (Hillary, François Mitterrand).

L’impression laissée est celle d’un fourre-tout, plaçant sur le même plan des questions très différentes, sautant du coq à l’âne avec une absence totale de hiérarchisation du discours, et des contradictions évidentes entre certains points. Il en ressort une absence de cohérence d’ensemble qui n’est pas que formelle, mais traduit un problème de fond, l’absence de vision et son corollaire, l’incapacité à formuler un projet global et construit.

2) La politique du ni-ni

De nombreux sujets abordés sont construits de façon à ne fâcher personne. Face à une question qui prête à la polémique, la réponse commence par relativiser la question, puis donne une réponse généralement vague et conclut en relativisant la réponse elle-même, laissant la porte ouverte à une réponse différente. Au total, il en ressort une impression de flou, d’imprécision, d’indécision, d’incapacité à trancher.

Exemples typiques : 

Le Tabac (Pour ou contre la loi visant à interdire le tabac dans tous les lieux publics)

à Je n’aime pas une société d’interdits tous azimuts

à là j’y suis favorable car c’est un grave problème de santé publique

à Mais il ne faut pas tomber dans un hygiénisme ennuyeux et un contrôle social envahissant.

Le Voile :

à Je crois que l’école est émancipatrice et que l’exclusion d’un élève est toujours un échec

à J’ai entendu une forte incertitude identitaire, la crainte que la France ne se ressemble plus

à Moi je cherche toujours quelles solutions apaisées, équilibrées, on peut trouver pour que la France avance. 

(mais c’est pareil pour l’item Caricatures (de Mahomet), ou Carte scolaire, Discrimination positive, ou encore pour sa position sur le musée du Louvre d’Abou Dhabi dans le point Culture).

C’est d’autant plus tragique qu’elle revendique avec aplomb dans un point spécifique détenir "Le Bien, le Bon…", et être capable "une fois la mesure prise de la complexité des choses, d’arriver à en tirer les lignes de force d’une action qui aille à l’essentiel sans se perdre dans l’accessoire"… Sans commentaire…

3) Un flou préoccupant sur des sujets majeurs 

Les réponses sur les questions personnelles sont très précises (pourquoi j’ai abandonné le prénom "Marie-Ségolène"…), par contre sur les sujets majeurs, elles sont souvent extrêmement évasives.

Exemples

à la loi sur les 35 heures : "ce n’est pas une loi de plus qu’il nous faut, c’est ouvrir avec les partenaires sociaux une négociation franche qui fera la part de ce qui doit être consolidé et de ce qui doit être corrigé ». Aucune indication sur son opinion personnelle. Idem sur le nucléaire, où la solution est « d’en finir avec le secret et le mensonge" (pas d’avis sur le fond), idem sur les OGM : "Il faut donner aux citoyens les moyens de se forger une opinion éclairée" (commençons par aider Mme Royal à se faire sa propre opinion).

à «  La France , on l’aime ou on la quitte", qu’en pensez-vous ? "il puise son inspiration à de mauvaises sources (Vietnam, dictature militaire brésilienne, le Pen) ». Aucune réponse sur le fond.

à Gauche-droite : "Faut-il se battre dans la mondialisation ou s’en protéger ? Les deux, évidemment ! (…)Faut-il protéger les locataires ou sécuriser les propriétaires ? Il faut chercher les points de convergence dans l’intérêt bien compris des deux parties." Il s’agit sur tous ces points de veiller à ne fâcher personne…

à Politique étrangère : " (Elle) doit se garder de deux écueils symétriques : l’impuissance de la pose moralisatrice et l’abaissement purement mercantile".

à Sécurité : « contre les désordres d’une mondialisation non maîtrisée, les licenciements purement financiers (…), je veux instaurer un ordre économique et social juste. Cela suppose de conjuguer, au lieu de les opposer, la compétitivité des entreprises et la sécurité des parcours professionnels, un dialogue équilibré et modernisé entre partenaires sociaux (…)."

4) Une irresponsabilité coupable sur l’impact économique et financier de ses propositions

Les items "santé" et "retraites" préconisent des options extrêmement coûteuses, faisant ressortir cruellement l’ineptie des solutions proposées au chapitre "sécurité sociale", où l’incantation au retour à la croissance et l’angélisme tiennent lieu de doctrine.

à Retraites : "à traiter sans catastrophisme, la retraite à 60 ans doit rester un droit, je veux une grande négociation, sans préjuger du résultat pour les retraites des fonctionnaires"

à Santé : "Le parcours de soins est un véritable parcours du combattant, un système bureaucratique et injuste (…). (Il faut) créer des maisons de santé, dispensaires gratuits (…), desserrer le numerus clausus, créer une consultation médicale gratuite pour tous les jeunes tous les six mois (…) pérenniser le financement de l’hôpital public, rétablir les moyens supprimés par la droite pour les soins aux étrangers en situation irrégulière. (…) Bien gérer, ce n’est pas couper les vivres de l’hôpital public."

à Sécurité sociale : "la première chose à faire c’est de relancer la croissance (…) et faire en sorte que le travail soit moins taxé que le capital. (…) Il n’y a pas de fatalité du déficit : il est possible de rétablir l’équilibre des comptes de la sécurité sociale et d’alléger la dette tout en apportant aux Français les protections qu’ils sont en droit d’attendre d’un pays comme le nôtre."

5) Le travestissement des positions de l’adversaire

à "Arrêter de courir derrière les thèmes lepénistes comme le font certains de mes adversaires quand ils (…) proposent de créer un ministère qui oppose l’immigration à l’identité nationale."

à "Les régularisations massives sont la rançon périodique des politiques d’immigration non maîtrisée. Et en particulier des politiques de quotas" (donc, régularisons de façon automatique tous ceux qui entrent sur notre territoire, cela évitera  de se poser ensuite la question de leur régularisation ; Mme Royal est apparemment une adepte de la politique de Gribouille…)

à "Prenons l’école. La droit réduit les postes, méprise les personnels, laisse filer l’échec scolaire, rêve de policiers dans les cours de récréation…"

à "(description du programme de l’adversaire) : suppression du droit de grève, contrat unique précaire, chômage de masse, course aux heures supplémentaires et retraite à soixante-dix ans".

à Colère "l’histoire du scooter du fils de M. Sarkozy : Pour mon fils, l’enquête était normale puisqu’il y avait coups et blessures, le ministre de l’intérieur connaît parfaitement cette différence mais il a alimenté la presse dans le sens qui lui convenait. J’imagine que pour lui, dans une campagne, tout est permis…".

à Cumul des mandats : "il est scandaleux que celui qui est candidat soit aussi le ministre de l’intérieur chargé d’organiser les élections et reste aussi longtemps à ce poste (…). Quant à Nicolas Sarkozy, je n’ai pas la même conception de l’exercice du pouvoir que la sienne. (…) Ministre, chef de parti, président du conseil général et candidat, cette confusion des genres et des moyens, je trouve cette boulimie et cette volonté de tout contrôler inquiétantes pour la France " Bien sûr, il ne s’agit pas ici de cumul des mandats…

6)  la myopie sur ses propres choix et l’amnésie sur ses propres responsabilités

à "L’hôpital public est aujourd’hui déstabilisé par une politique à courte vue" (et les 35 heures, par hasard ?)

à Elle relève que les allègements de charge, revendiqués par le MEDEF et le CNPF coûtent 25 milliards… et oublie la part du coût des 35 heures !

Bref, un ouvrage ennuyeux, au style très scolaire ; un propos décousu et filandreux, précis sur l’accessoire, flou sur l’essentiel  et inconséquent sur le fond.