Nicolas Sarkozy, avec Nancy Pelosi et le sénateur Robert Byrd, à Washington
Nicolas Sarkozy aux États-unis est, en tant que telle, historique; et ce n’est pas seulement la France, ce sont aussi les Américains qui – en accordant au Président le double honneur, insigne et rare, de parler devant le Congrès et d’être reçu dans la maison de George Washington – l’ont voulue telle : pour faire oublier l’éclat de la rupture, la réconciliation se devait d’être éclatante.
Nicolas Sarkozy, neuvième chef d'Etat ou de gouvernement à s'adresser au Congrès américain depuis 1951, avait été applaudi debout et longuement à son arrivée dans un hémicycle bondé, où avait pris place au total plus de 1.000 personnes.
La visite de
La visite de Nicolas Sarkozy est historique, aussi, par le message que le Président a porté. L’on a assisté, pendant ces deux jours, à une véritable refondation des relations transatlantiques, mettant fin à cette ambiguïté tenace qui marquait notre diplomatie depuis trop longtemps. Depuis trop longtemps, la France croyait affirmer son identité et renforcer son influence en se définissant systématiquement contre les États-unis. Quelle cause avons-nous ainsi servi ? Ni la nôtre, ni celle des États-unis, ni celle du monde. La diplomatie de l’action succède aujourd’hui à la diplomatie de l’algarade. Amie, alliée, mais pas alignée : telle est la formule qui résume à présent la position, équilibrée et exigeante, de la France.
Historique, la visite de Nicolas Sarkozy l’est, encore, parce qu’elle renoue un fil qui n’aurait jamais dû être rompu. Depuis la charge du jeune marquis de La Fayette à Yorktown en 1781, la France est la plus ancienne alliée des États-unis. De la baie de Chesapeake aux sables d’Omaha Beach, nos pays sont unis par les liens du sang versé l’un pour l’autre. L’on doit savoir gré au Président d’avoir réconcilié cette famille, restauré cette communauté de destin, d’intérêts et de culture.
Historique, cette visite l’est, enfin, parce qu’elle capte les exigences du moment. La position d’amis sincères des États-unis (c’est-à-dire, quand il le faut, d’amis critiques) est la seule, en effet, qui prenne véritablement la mesure du nouvel ordre mondial : comment ne pas voir que, face aux chances, aux menaces et aux défis de la mondialisation, une coopération avec les États-unis est indispensable?
Sur les ailes de leurs avions, les pilotes américains avaient écrit cette devise : Ce qui est difficile, nous le faisons tout de suite ; l’impossible nous prend juste un peu plus de temps. Ce pourrait être aussi la devise de la nouvelle diplomatie française que le Président, à New-York, à Tanger, à Washington, s’emploie à édifier. Vouloir changer le monde, penser qu’on peut changer le monde, c’est déjà le changer un peu. (Patrick Devedjian)
Nicolas Sarkozy a réaffirmé avec force son amitié et son admiration pour les États-unis, mais pour mieux les rappeler à leurs "devoirs".
"Je veux être votre ami, votre allié, votre partenaire mais je veux être un ami debout, un allié indépendant, un partenaire libre parce que ce sont les valeurs que nous partageons ensemble", a déclaré le président français devant plus de 500 sénateurs et représentants américains, au Congrès.
"La France est l'ami des États-unis", a assuré Nicolas Sarkozy dès le début de son discours, un peu plus de quatre ans et demi après le refus, en 2003, de Jacques Chirac de soutenir l'intervention militaire américaine en Irak.
"Avec ses amis on peut avoir des divergences, on peut avoir des désaccords, on peut avoir des disputes", a-t-il poursuivi. "Mais dans la difficulté et dans l'épreuve, on est avec ses amis, on est à leurs côtés, on les soutient et on les aide."
Nicolas Sarkozy a longuement rappelé les pages d'histoire commune de la France et des États-unis. Il a redit que la France avait une "dette éternelle" et une "gratitude définitive" envers eux, pour leur rôle dans les guerres mondiales du XXe siècle.
Il a salué le "rêve américain" qui fut "dès le départ de mettre en pratique ce que le vieux monde avait rêvé sans pouvoir le construire" et estimé que "la grandeur de l'Amérique" avait été de transformer ce rêve en "espérance pour tous les hommes".
Parmi les grands noms américains qui ont nourri ce rêve dans sa génération, le président français a cité le rocker Elvis Presley, ce qui a déclenché des rires dans l'assistance.
"La force de l'Amérique n'est pas seulement une force matérielle, c'est d'abord une force morale et spirituelle", a ajouté Nicolas Sarkozy.
Il a alors invité l'Amérique, qui "se sent vocation à inspirer le monde" et est aujourd'hui "la plus puissante", à être "toujours fidèle à ses valeurs fondatrices".
"Parce que, depuis plus de deux siècles, l'Amérique veut porter les idéaux de démocratie et de liberté, qu'il soit permis à un ami de l'Amérique de lui dire que cette responsabilité revendiquée comporte des devoirs (...) aux premiers rangs desquels celui de l'exemplarité", a-t-il déclaré.
Il a ainsi dit qu'il attendait de l'Amérique qu'elle soit la première à dénoncer les "dérives et les excès d'un capitalisme financier" qui fait "la part trop belle à la spéculation" et s'engage dans la mise en place de règles et de garde fous.
Les États-unis doivent aussi être les premiers à "promouvoir une juste parité des changes", car "le dollar ne doit pas rester seulement le problème des autres" et le "désordre monétaire", a-t-il averti, "risque de se muer en guerre économique".
Et il a invité les États-unis à prendre, aux côtés de l'Europe, la tête du combat contre le réchauffement climatique - un passage de son discours particulièrement applaudi alors que c'est un sujet de divergences avec le président George Bush.
"C'est ensemble que nous devons mener les combats pour défendre et promouvoir les valeurs et les idéaux de liberté et de démocratie que des hommes comme Washington et Lafayette ont inventé ensemble", a-t-il également déclaré.
Il a ainsi souligné que la France et les États-unis devaient mener "ensemble" le combat contre le terrorisme, notamment en Afghanistan, où la France restera engagée "aussi longtemps qu'il le faudra", et contre la prolifération nucléaire.
Il a réaffirmé la position de la France sur la crise iranienne : la perspective d'un Iran doté de l'arme atomique est "inacceptable" mais "nous devons convaincre l'Iran de faire le choix de la coopération, du dialogue et de l'ouverture".
Il a également souhaité que la France et les États-unis oeuvrent ensemble à un règlement de la crise du Proche-Orient et aident le Liban à "affirmer son indépendance".
Nicolas Sarkozy a, dont le discours a été interrompu plus d'une vingtaine de fois par des applaudissements, dont au moins huit fois debout, a conclu par un plaidoyer pro domo : "Il faut une France plus forte. Les réformes que mon pays a trop longtemps différées, je suis déterminé à les mener toutes à leur terme. Je ne reculerai pas, car la France a trop longtemps reculé", a-t-il dit. "Je veux mettre la France en situation (...) de gagner toutes les batailles de la mondialisation."
"C'est cette France ambitieuse et lucide que je suis venu vous présenter aujourd'hui. Une France qui vient à la rencontre de l'Amérique pour renouveler ce pacte d'amitié et d'alliance scellé à Yorktown entre Washington et Lafayette", a-t-il ajouté. "Ensemble soyons dignes de leur exemple, soyons à la hauteur de leur ambition, soyons fidèle à leur mémoire."