La fusion attendue depuis février 2006 va donner naissance à un leader mondial de l'énergie avec une capitalisation boursière de 80 milliards d'euros et un chiffre d'affaires de 74 milliards d'euros. Le rapprochement des deux sociétés permettra également l'introduction en bourse de Suez Environnement.
Après deux ans et demi d'atermoiements, la fusion entre les deux groupes devient enfin réalité.
«C'est une journée historique !» Gérard Mestrallet et Jean-François Cirelli, PDG respectivement de Suez et de Gaz de France, ont répété cette phrase une bonne vingtaine de fois au cours de la journée d'hier.
Deux ans, quatre mois et vingt jours très précisément après l'annonce du mariage entre Gaz de France et Suez, les actionnaires de l'un et de l'autre étaient enfin réunis pour donner leur aval au projet lancé par Dominique de Villepin le 26 février 2006. Les présidents de Suez et de GDF n'ont eu de cesse, hier, de bien leur signifier que l'instant était crucial pour l'avenir des deux groupes. Hier matin, c'est Gérard Mestrallet, PDG de Suez, qui s'est lancé en premier.
Quelque peu tendu, cravate bordeaux très étroitement nouée, il a vanté, sur tous les tons, les mérites de la fusion avec le gazier français. La petite salle choisie à la Grande Arche de la Défense était comble, mais le silence était complet. Les 900 petits actionnaires qui avaient fait le déplacement pour l'occasion l'ont écouté religieusement, certains tentant très timidement des applaudissements discrets ici ou là.
Tour à tour se sont succédé au micro les trois hommes forts de Suez : Gérard Mestrallet, Gérard Lamarche, le directeur financier, et Jean-Pierre Hansen, le directeur opérationnel, pour défendre cette grande fusion qui donne naissance à un groupe d'une puissance comparable à EDF. Las, des petits actionnaires n'ont pas hésité à critiquer la fusion et ses modalités. D'autres ont manifesté leur agacement à l'idée d'un rapprochement avec une entreprise majoritairement publique.
Dans l'après-midi, au Palais des congrès à la porte Maillot, la salle réservée par GDF était, elle, aux trois quarts vide, mais les actionnaires présents étaient tout ouïe pour leur président. En bas de l'estrade, les principaux actionnaires de Suez ainsi que ses dirigeants avaient fait le déplacement, au premier rang desquels Gérard Mestrallet. Le matin même, Jean-François Cirelli avait également fait une brève apparition à la Défense pour bien montrer la bonne entente entre les deux patrons, qui a souvent été mise en doute, et l'attachement de chacun au succès du projet.
Face à ses actionnaires, Jean-François Cirelli était plutôt calme et serein. Il faut dire que l'enjeu de l'assemblée générale d'hier était beaucoup moins grand pour GDF que pour Suez. Dans le cas du premier, l'accord de son actionnaire majoritaire, l'État, était déjà acquis.
Pour Suez, les choses en allaient autrement. Gérard Mestrallet l'a d'ailleurs rappelé à ses actionnaires, en indiquant que les actionnaires minoritaires avaient bien «le destin de deux belles histoires» entre leurs mains, puisque les actionnaires principaux le groupe GBL, Areva, la CDC, la CNP, le Crédit agricole… ne détiennent que 20 % des actions de Suez et 30 % des droits de vote.
On comprend donc sa tension au moment du début du vote, à 13 h 37 très précisément. Mais, dès la première résolution, les visages se sont détendus. Comme à l'accoutumée, les petits porteurs de Suez, qui n'hésitent pas à montrer leur désaccord au moment des débats avec le président, ne manquent jamais à l'appel du patron. À plus de 99 %, ils ont dit oui aux six questions qui leur étaient posées. Oui à la fusion et oui à la mise en Bourse de 65 % de Suez Environnement le 22 juillet prochain.
Ce plébiscite a même surpris les dirigeants. Gérard Mestrallet a alors repris la parole pour faire part de son bonheur, de «(son) rêve abouti». Un discours pas entendu de tous. Beaucoup de petits porteurs avaient déjà gagné le superbe buffet qui les attendait dans le hall.
Interview de Jean-François Cirelli au Figaro : "Nous édifions un formidable groupe industriel"
Le futur numéro 2 de GDF Suez expose les priorités du nouveau géant français.
GDF Suez est désormais officiellement sur les rails. Vous respirez enfin?
Jean-François CIRELLI. J'éprouve un double sentiment. La joie, d'abord, d'avoir réussi à surmonter un certain nombre d'obstacles pour parvenir à l'édification d'un formidable groupe industriel. La responsabilité, ensuite, parce que je suis évidemment comptable de la réussite de ce nouvel ensemble. Avec Gérard Mestrallet, nous avons toujours pensé que ce projet était le meilleur pour nos deux entreprises. Certes, des difficultés ont pu nous faire douter, mais elles ont permis aussi à tous de mieux comprendre la fusion.
Quand le nouveau groupe sera-t-il opérationnel?
La première cotation de GDF Suez est prévue la semaine prochaine, le 22 juillet. Depuis des mois, nous avons énormément travaillé pour être opérationnel à J+ 1. Pas moins de 200 personnes ont déjà été nommées à des postes clés. L'ensemble des équipes savent ce qu'elles doivent faire.
Les différences de culture ne vont-elles pas retarder le processus ?
Ces différences ont été très largement exagérées. Ne serait-ce que parce les équipes opérationnelles des deux groupes parlent exactement le même langage. L'objectif n'est pas d'effacer un passé dont nous sommes fiers, mais de conserver nos valeurs en créant une nouvelle culture commune. La fusion va tout simplement faire en sorte que le meilleur de l'identité des deux groupes soit valorisé.
Vous êtes le n°2 de GDF Suez. Quelle est votre mission? Comment accepte-t-on de quitter son fauteuil de n°1?
Je suis très satisfait de la manière dont les choses se déroulent. J'ai une grande confiance dans Gérard Mestrallet. Une entreprise comme GDF Suez est tellement stratégique qu'il y a énormément de choses à faire. Et j'exercerai des responsabilités directement opérationnelles, plus particulièrement dans les domaines du gaz, des infrastructures et des activités du groupe en France.
Quelles vont être les premières priorités?
Tout faire d'abord pour satisfaire nos clients, qu'ils puissent se rendre compte combien l'offre énergétique de GDF Suez répond à leurs attentes. Cela sous-tend en particulier de gros investissements, d'ores et déjà chiffrés à 30 milliards d'euros au cours des trois ans à venir. GDF Suez va contribuer à une grande politique industrielle, dans des domaines aussi variés que le renforcement des équipements électriques, la mise en service de nouvelles infrastructures gazières ou encore l'essor des énergies renouvelables.
Nicolas Sarkozy a décidé la construction d'un deuxième EPR. Serez-vous candidat?
La relance du nucléaire représente un enjeu majeur. Nous y sommes d'autant plus sensibilisés que les équipes de GDF Suez possèdent une très forte compétence dans ce domaine, à travers le parc de réacteurs de Suez en Belgique. Ce sera à notre conseil d'administration de trancher sur notre participation à un deuxième EPR. Une décision devrait être prise début 2009. Si la réponse est positive, nous le ferons en partenariat avec des acteurs de l'énergie et des industriels.
Pour le consommateur, qu'est-ce que cela va changer d'avoir désormais affaire à GDF Suez?
Rien ne change au sens où le consommateur continue d'avoir accès aux mêmes services de Gaz de France, avec les mêmes modalités. Toutefois la fusion va permettre un enrichissement de l'éventail de nos offres dans tous les domaines. Nous allons notamment proposer des offres duales, gaz + électricité, à l'ensemble de nos clients. De manière plus large, c'est tout le concept d'efficacité énergétique qui bénéficie des atouts deux groupes.
Pour séduire les investisseurs, allez-vous très vite augmenter les prix du gaz?
Que les choses soient claires une bonne fois pour toutes. Nous n'augmentons pas les prix du gaz pour faire plaisir à nos actionnaires. Aujourd'hui, 90 % de nos approvisionnements proviennent de fournisseurs étrangers. Or, depuis 18 mois, le prix du gaz a doublé. Nous devons donc intégrer cette réalité dans nos comptes, mais ce qui n'empêche pas nos tarifs de rester très compétitifs : la France est le deuxième pays en Europe, après l'Angleterre, où les prix du gaz sont les plus bas.
Naissance d'un géant de l'énergie
Le nouveau groupe sera dirigé par Gérard Mestrallet (Suez) et Jean-François Cirelli (GDF) et fera son entrée en Bourse le 22 juillet prochain.
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